«Se résigner ou en profiter?
Être fâché ou heureux?
Vous choisiriez quoi vous?
Moi, j’ai choisi d’en profiter!»

Apprendre le lâcher-prise. La course, ça peut aussi faire ça pour nous, si nous le voulons bien par contre!

1er novembre 2015 dans un hôtel à New York City.

5h du matin. Le réveil sonne. J’émerge d’un sommeil pas si réparateur. J’ai, et j’aurai toujours des papillons dans le ventre la nuit avant un marathon. Vous savez, ça nuit au sommeil, une gang de papillons sur le party dans un ventre!

Je m’assois sur le bord du lit. Les yeux brumeux, le cerveau englué dans je ne sais quoi. Je mets mes lunettes. Ça aide toujours à enlever la brume, une paire de lunettes. Puis, je dépose doucement les pieds au sol pour me lever bien tranquillement. Ce sera bien le temps, plus tard aujourd’hui, d’être vite sur mes patins. Pour le moment, je suis encore dans la brume. Puis tout à coup, un éclair de douleur dans le pied gauche. Je suis incapable de mettre mon poids sur mon pied. Euh? C’est quoi ça? J’ai un marathon à courir dans quatre heures. C’est quoi cette douleur? Je boite du lit à la salle de bain. Quoi, je dirais maximum sept pieds. Je boite de nouveau de la salle de bain à ma valise. Puis, je boite de ma valise au lit, et encore et encore. Pas moyen de mettre mon poids sur mon pied. Je ne peux imaginer ce que ce sera à la course tantôt.

En me préparant, je glisse ma carte de crédit dans ma poche de short et je dis à Lionel: «Va pas trop loin ce matin, ça me surprendrait que je fasse plus de 2 km avec cette douleur». Il n’y comprend rien et moi non plus. Depuis des semaines, mon body est une machine de course. Une machine pas super performante, mais une machine bien heureuse, bien endurante et bien huilée. Et puis, ce matin, après une nuit calme. Ça fait mal. C’est comme si mon pied n’avait plus de flexibilité. Comme s’il était coincé. Je le tâte un peu, mais rien n’y fait. Je le regarde un peu. Il ne me regarde pas et ne veut pas me parler. Il boude voyez-vous. Pourquoi? Aucune idée.

Je continue ma préparation. Comme à l’habitude, je ne déjeune pas avant mon marathon. Comme à l’habitude, je fais les cent gestes qui sont tous si importants avant de s’élancer pour 42,2 km. Puis nous partons vers la ligne de départ.

Je rejoins mon amie Marie-Ève à son hôtel. Je lui glisse un mot au sujet de mon pied qui me fait de la misère ce matin. Pourquoi pas la semaine dernière, pourquoi ce matin? CE matin. À New York. LE matin de ce marathon que je rêve de faire depuis toujours.

Mais bon, je ne stresse pas tant que ça. Je ne suis pas fâchée ni déçue. Je ne suis pas grand-chose finalement. Je suis juste là avec mon amie et des milliers d’autres coureurs. Tous inquiets, tous heureux, tous trépignants d’impatience.

Je suis là tout simplement. Je vais partir avec tous les autres et je courrai ce que je pourrai courir. Ce sera ce que ce sera. Que sera sera! Y’a rien d’autre à faire. Pas de crise, pas de cri, pas de grandiloquence. Une situation qui demande une adaptation.

J’ai deux choix. Je suis «furax» ou j’avance sans me poser de question. Je verrai. De toute façon, quoiqu’il arrive ce sera super. Pourquoi? Parce que j’ai l’immense chance d’être là dans cette ville qui est une des plus belles villes au monde. Là où tout peut arriver. Ils sont si nombreux à l’avoir chanté. La chance d’être avec celui que j’aime Lionel, avec mon amie Marie-Ève, et avec tous les autres. J’ai l’immense privilège d’avoir pu me rendre là sous ce ciel d’automne, entourée de l’énergie fabuleuse de plus de 50 000 coureurs.

J’attends le départ. Je ne pense pas à grand-chose. Quoique si. Je pense quand même un peu: S’il faut que j’arrête la course, Lionel et moi on ira se prendre un méga gros brunch luxueux avec cappuccino et mimosa. Dans cette grande ville, il y a de quoi prendre cinq livres en seulement deux jours d’escapade. Ah, ça va être le fun! Un brunch d’amoureux à New York City! Ce n’est pas rien! Puis on reviendra applaudir les coureurs. Ça, j’adore aussi.

Donc je gagne ou je gagne.

Maudit que la vie est belle! 🙂

P:S.: Je l’ai fait au complet ce marathon. Après un kilomètre, à la fin du pont Verrazano-Narows la douleur est disparue comme elle était venue. Sans dire «bonjour», sans dire «au revoir». Tu parles d’une «p’tite bonyenne»!

Je crois que si je m’étais mise à capoter, à stresser, bien elle serait restée cette douleur et elle aurait eu le dernier mot. Elle se serait ancrée en moi. Sachant qu’elle y avait sa place. Que je la lui donnait toute cette place, elle l’aurait occupée.


J’ai gagné. Elle est partie sans un souffle. Sans appel. Voilà. Je n’avais finalement, qu’à ne pas trop m’en soucier. Elle n’avait pas de place dans ma vie, ce matin-là. Elle ne pouvait pas m’enlever mon rêve. Sur mon chemin, il n’y avait de la place que pour avancer et aller au bout puis ramasser fièrement ma médaille, les jambes en feu!