À la course, je ne cours pas!
Tous les jours, je tente de faire 16 heures de travail en 10 heures. Jamais de repos, parce que je suis toujours en retard sur l’objectif, toujours à bout de souffle, toujours insatisfaite du travail accompli, toujours anxieuse de ce que j’aurais dont pu faire mieux.
Vous, vous êtes comme ça à la course.
Moi, le seul moment où je ne suis pas à la course, c’est quand je cours.
Je cours après rien. Je cours pour courir. Juste pour avancer, juste pour respirer le temps et la terre, cette merveilleuse terre dans la galaxie. Il n’y a pas de moment où je prends plus le temps de regarder, de sentir, de respirer, de vivre, que quand j’enfile mes runnings! Parce qu’enfin je n’ai pas d’objectifs de performance. Ça fait du bien, vous n’avez pas idée!
Parfois, je pars pour trois heures avec mes amis. J’en suis après énergisée pour trois jours.
Parfois, je pars seule. Le 25 décembre, je partais seule parce que c’était écrit que cette journée allait être trop spéciale pour être partagée. Unique. Son sens profond ne pouvait être compris.
Je vous partage un peu ici cette journée spéciale. Maintenant, après un mois à avoir décanté. Les grands bonheurs étant comme les grands malheurs, il faut laisser le temps les adoucir, faut laisser le temps faire sa job. Comprendre ce qui s’est réellement passé, et pour ça, il faut du temps. Ça m’a pris un mois à réellement comprendre ce qui s’est passé le 25 décembre 2015.
Ce matin, j’ai compris. Je viens de «flasher». Au retour d’avoir été courir dans les sentiers enneigés de Mont-Saint-Hilaire, j’ai compris.
40
Oui, 40 ans à une journée près, séparaient le 24 décembre 1975 au 25 décembre 2015.
Vous le savez, je vous ai cassé les oreilles avec ça toute l’année, je voulais faire plusieurs marathons en 2015. Mon objectif réel et secret était d’en faire une douzaine. Un chiffre cool ça, douze. Comme un par mois. L’année avançait , il me restait de moins en moins de temps pour réaliser cet objectif. Puis vers le 15 déc., je vois qu’il va faire incroyablement chaud autour de Noël. Juste parfait pour atteindre mon objectif. Quel jour sera le meilleur choix? Une journée calme où je n’aurai pas le droit de travailler, bien le 25 décembre, tout est fermé non? Pas le droit de travailler! Température annoncée; soleil et 8 degrés. Yeah!
Voilà donc à midi, je suis prête. Avec mon kit de course préféré, mes souliers préférés, mon sac Salomon avec eau et gels et de la magnifique musique dans mon iPhone.
Je partais pour 42,2 km. Je partais pour plus de 4 heures avec comme objectif de savourer chaque kilomètre. Si je pouvais apprendre à savourer chaque journée comme je parviens à savourer chaque kilomètre, tout irait beaucoup mieux. J’imagine que je suis encore en processus d’apprentissage à travers la course à pied, là où justement je ne cours pas. Mon seul moment où je ne cours après rien.
Bon, je m’éloigne encore…
Bref.
J’ai couru 42,2 km. Joggé, trottiné, presque dansé, je crois que j’ai fait quelques pirouettes. Des arrêts réflexions, des arrêts photos, des arrêts émerveillement face à la beauté environnante et des arrêts pipi aussi.
Je sentais en moi la force tranquille d’un grand chêne. La même force tranquille que je sens dans une forêt. Celle qui tire et pousse sans jamais faillir. Une force pour prendre le temps de bien faire les choses. C’est indescriptible comme émotion. Si j’étais allée vite, je serais passé à côté de tout ça.
Je suis Josée la sage. Ne riez pas! J’y arrive doucement. Je pars de loin quand même…
Apprendre à savourer. À la course j’y arrive. Pour le reste j’y travaille dur dur.
La «non-savouration», une maladie que je partage avec beaucoup de gens. Une maladie horrible qui aveugle, enlève le sommeil et coupe le souffle.
Souffrez-vous de cette maladie aussi? Sommes-nous légion?
Bref.
Bon, je m’éloigne encore.
Un concours de circonstances a fait que j’ai couru ce marathon le 25 déc. 2015. Comme je disais, 40 ans plus tard. À l’aube de mes 51 ans.
24 décembre 1975. À l’aube de mes 11 ans. Je suis chez la voisine qui me gardait. Ce n’est pas ma mère qui est venue me chercher ce matin-là. C’est ma tante. J’ai compris à 9h le matin, en posant mon regard sur elle dans la porte d’entrée que ma vie venait de basculer. Ma mère, gravement malade depuis 15 ans, venait de décéder. À 48 ans.
Ce 42,2 km c’était une façon de célébrer les 40 années qui ont suivi. Par son grand amour, ma mère m’avait laissée assez forte pour être capable de bâtir une belle vie.
Merci maman.
Ce matin j’ai réalisé que ce marathon c’était pour toi, comme quand, après l’école, on arrive en coup de vent à la maison avec notre dessin à la main en criant «Mamam, maman, vient voir ce que j’ai fait!»
C’était un partage avec toi.
Je vais t’aimer toute ma vie.
Pour voir le parcours sur Garmin Connect: