La loi des pressions contraires
La loi des pressions contraires
Voilà une nouvelle loi de la physique. J’ai découvert ça récemment et comme tout bon scientifique j’ai des évidences incontournables.
Bon, je vous explique.
- Une année de fou. Beaucoup de défis à la MDLC, beaucoup de pression. Une pression qui me pousse chaque jour. Elle est là tangible. Je dois la gérer tout en continuant à voir clair, à bien voir le chemin, et aussi, à ne pas oublier d’aimer la vie et d’en profiter un peu.
Pour conserver l’équilibre, je lui ai apposé une pression contraire. La mienne, décidée par moi. Une sacré de belle pression: aller courir le Marathon de Berlin le 29 septembre 2019 avec des amies. Ça, c’est une pression suffisamment forte pour contrebalancer l’autre pression.
Cette pression de bien courir ce superbe marathon m’a permis de garder la tête hors de l’eau. Et au fil des mois, tout s’est équilibré.
Habituellement, je cours une douzaine de marathons par année. C’est mon secret à moi pour garder la forme. Ahahah, là je vous faire rire non? Bon OK, c’est mon secret du bonheur tout simplement. 2019 était prévu pour être une autre année pleine de belles courses avec des amis. Ça n’a pas été ça. Ça a été plus dur que prévu. Puis voilà qu’arrive une blessure qui sort de nulle part. Bien, nulle part n’est pas tout à fait la vérité. En fait, c’est de mon jardin qu’elle est sortie. Comme une mauvaise herbe qui est là tout à coup, bien forte et bien présente et qui écoeure. Je fais quoi avec ça?
Bon, vous ne me suivez pas n’est-ce pas? Ah, ah. Je vous explique:
Le 20 juillet ma gentille belle-soeur Marie-France m’offre de venir m’aider à refaire quelque chose qui a de l’allure avec le terrain de la maison. Il y a là des plantes de toutes les espèces se battant les unes les autres pour avoir le maximum de soleil. Depuis trois ans que nous laissons ça pousser sans trop s’en mêler, c’est devenu bien affreux. Nous avions beaucoup d’autres priorités. Donc, Marie-France voit ça et veut tout remettre sur le bon chemin.
Josée et Lionel, qu’elle nous dit, je vais être là samedi prochain pour vous arranger ça.
Bon. OK, je vais être là aussi que je dis. Ça adonne bien, je suis en congé et en plus je suis en mini pause de course car mon tendon d’Achille gauche me fait une petite misère depuis quelques jours. Une pause ne sera pas de trop.
On commence de bonne heure. La matinée passe. Vers 13 heures, j’ai les jambes raides à force d’être accroupie et aussi de frapper sur la pelle pour qu’elle s’enfonce dans la terre. Je commence à sentir une chaleur sous mes pieds. Bon, je fais un peu plus attention à ma position quand je travaille pour moins étirer ma voûte plantaire. À 20h la journée est finie. Un gros dix heures de job. C’est déjà super beau dans les plates-bandes. Je suis ravie. Wow!
Le lendemain matin, je ne marche plus. Je suis, soudainement, moins ravie. Mon tendon d’Achille et mon fascia plantaire gauche, toute cette région est carrément hors service. À neuf semaines du Marathon de Berlin, je me retrouve à marcher avec difficulté. Pas de soucis, je vais aller voir mon ostéo, il va m’arranger ça avec une baguette magique c’est sûr!
La baguette n’a pas été magique. Elle a même dit «Madame la coureuse, faut être sage là et prendre le temps de guérir!» J’étais en très mauvais état, ça n’augurait rien de bien pour s’entrainer correctement pour courir un 42,2km.
Mais, Berlin oblige, je me devais de trouver une solution. La pression de ce superbe événement qui s’en venait, me poussait à trouver une façon de le réussir ce marathon. Pas question de manquer ça!
J’ai sorti mon vélo du sous-sol et ai troqué mes souliers de course pour des nouveaux souliers de vélo. Faut ce qu’il faut.
À partir du 26 juillet, j’ai fait du vélo tous les jours. Des sorties intenses pour garder le cardio et l’endurance. De la distance, du dénivelé, etc. Tout pour que le corps sache qu’il n’est pas en vacance, mais en entraînement pré-marathon.
Du 26 juillet au 25 août, j’ai roulé 1441 km!
J’ai même perdu quelques livres de plus!
J’ai eu mal aux fesses, aux épaules, mais j’ai gardé la forme, j’ai conservé mon cardio! Le vélo c’est de la job aussi!
Je courais seulement pour essayer d’être de nouveau capable de faire mes longues sorties d’endurance. Et j’y suis arrivée!
Faut pas oublier que Berlin était le 29 septembre.
Le 4 août après plusieurs jours de repos de course, j’ai enfilé mes souliers de course pour un GROS 2,5 km. Vous avez bien lu: 2,5 km! C’est tout ce que mon tendon pouvait prendre.
6 août, 6 km. «Ça va en bas, les tendons, le fascia?» Oui que l’on me dit.
7 août, 7,5 km. «Ça va en bas?» Oui que l’on me dit.
9 août, 9 km. «Ça va toujours en bas?» Oui que l’on me dit, mais continue à ce pace relax. De la vitesse, on ne pourrait pas suivre.
11 août, 14 km. «Et puis, en bas le fascia, le tendon dAchille, le petit muscle à coté, vous êtes toujours OK?»
«Oui, capitaine!»
13 août, une longue divisée en deux. 10 km le matin, 8 le soir.
«En bas, vous y arrivez toujours?» «Oui, on tient le coup capitaine!»
17 août, 21 km d’un coup. Première longue en une seule sortie. Le marathon est dans six semaines. «Hé la gang en bas, vous suivez?» «Oui capitaine. Par contre, les prochains jours de congé seront les bienvenus.»
23 août, 27 km. «Hé puis en bas? C’en était une bonne celle-là!» «Oui, capitaine, mais ça va aller!»
26 août, 30 km. «Hé la gang en bas, vous y arrivez toujours?» «Ouf, capitaine, ça va passer, oui.»
1er sept, 3e vraie longue, 31 km. Ça passe toujours.
7 sept, 4e longue, 31 km. Ça roule.
14 sept, 5e longue, 30 km. YES!
Et voilà! Le marathon est dans 14 jours. J’ai réussi à faire 5 sorties longue distance malgré que voilà quelques semaines je ne marchais presque pas.
Comment? Bien, c’est un peu le sujet de ce blogue. Vous me demandez souvent comment revenir d’une blessure?
Quelle que soit votre blessure, les règles sont les mêmes:
1) Écoutez votre corps. Soyez en conversation avec. La phrase «No pain, no gain» est une horreur, vous devriez mettre ça à la poubelle.
2) Quand la blessure arrive, même toute petite, même minuscule, ne vous battez pas contre elle. Écoutez. Arrêtez. Ralentissez. C’est ELLE le nouveau boss.
3) Si vous avez suivi les conseils 1 et 2, ça va guérir plus vite. Chaque fois que vous ne suivrez pas les signaux de votre corps, le temps de guérison s’allongera de façon exponentielle. Vous connaissez le mot, non? Ça veut dire que plus vous vous obstinerez à courir quand il ne le faudrait pas, plus vous serez dans la mmm.
4) Recommencez très doucement. AUCUNE vitesse. Le moins possible de dénivelé. Du plat à vitesse lente.
5) Laissez des jours entre chaque sortie. Laissez au corps le temps de se rebâtir. Si votre dernière sortie a fait, un tant soit peu, réapparaître la blessure, revenez en arrière. Revenez au niveau que votre corps peut accepter. Ce n’est pas vous le boss!
6) Dans vos jours de congé de course, allez vous défouler dans un autre sport qui ne sollicite pas la région blessée. Pensez au vélo, à la natation, elliptique, rameur, etc. La course devient accessoire, c’est de bouger avec la même intensité énergétique et de garder votre cardio qui est important.
7) Si vos amis sont rapides, ne courez pas avec eux. Vous ne serez pas capable de ralentir et d’écouter votre corps. C’est comme ça. Un animal blessé se retire pour guérir. Vous aurez à le faire aussi.
8) Si vous avez un marathon ou ultra ou un demi, priorisez le retour des longues distances. Ça vous permettra de courir votre épreuve. Très certainement plus lentement que ce que vous aviez prévu, mais vous la réussirez quand même.
9) Modifiez vos objectifs. Ne voyez pas ce que vous avez perdu. Voyez chaque semaine ce que vous gagnez de nouveau. Enlevez vos lunettes noires. La vie est belle, vous êtes quand même là en santé.
10) Soyez sage. Soyez stratégique. C’est un combat entre vous et la blessure. Un combat ou le plus patient gagne. L’impatient mord la poussière.
Voilà.
Berlin, 29 septembre. Nous sommes 46 000 coureurs énervés comme des puces. Je l’ai fait. J’ai même été assez rapide jusqu’au 28e km. Après j’ai relâché la pédale et j’ai filé doucement jusqu’à l’arrivée. 3:51:22. 199e sur 1623 dans ma catégorie.
C’était magique! Une atmosphère inimaginable. Nous étions survolés par des hélicoptères qui filmaient les départ de chaque vague de coureurs. Devant chaque corral il y avait un immense écran qui diffusait les images en direct. Voir, pendant que nous attendions, Bekele et ses amis s’élancer ça donnait des frissons. Les meilleurs au monde étaient là en même temps que nous, et eux aussi, sûrement anxieux comme nous, voulant faire le mieux qu’ils peuvent. En fait c’est un peu comme si vous étiez sur la même glace que Sydney Crosby. Y’a de quoi avoir les papillons.
Et que dire de Berlin, de ses habitants, des bénévoles. Toute la ville en entier était là pour nous. Juste pour nous. Tout s’était arrêté pour cet événement et c’était bien comme ça. Ils sont fiers de leur marathon. Il sont fiers de leur ville. Ils nous envoient partout, il n’y a pas une rue assez importante pour ne pas la barrer juste pour nous. On voit qu’ils mettent toutes leurs ressources pour rendre impérissable notre expérience. Pour l’arrivée, c’est une explosion d’émotions avec les spectateurs, la musique, les encouragements, et puis, passer en dessous des Portes de Brandebourg ça donne des frissons! Rendu là, il reste 400 mètres. On voudrait bien une pause hors du temps pour s’assoir et savourer un peu ce moment, mais bon faut continuer et arrêter cette montre GPS! Passer à cet endroit c’est avoir le feeling de passer à l’histoire. En tout cas, c’est certainement passer dans l’histoire et la sentir tout autour de nous.
Je suis vraiment contente et bénie des dieux d’avoir été là à courir avec des amis. Je suis particulièrement fière d’être sortie de cette blessure qui souvent, immobilise les coureurs pour des mois et des mois. Ça a été ça ma victoire. Pas d’aller vite. Ce n’était plus un objectif. Guérir était mon objectif. Et recevoir cette magnifique médaille. Mon 62e marathon. Yes, la vie est belle!
Et puis, la loi des pressions contraires, elle fait quoi dans toute cette aventure? Elle m’a poussé à trouver des solutions, à persévérer. Je m’engage dans des événements exigeants pour que la pression de les réussir soit plus forte que la pression de la vie de fou. Ainsi je trouve le temps pour la course. Je n’ai pas le choix, j’ai un engagement. Je fais exprès pour me mettre de la pression. Berlin c’était une grosse pression. Mais pas le choix, une petite n’aurait pas fait le poids. Sinon, je me serais assise bien tranquillement le temps que ça guérisse. Je n’aurais pas été inventive, je n’aurais pas fait ce qu’il faut pour réduire au max le temps de guérison. J’aurais peut-être pris des risques et me serais retrouvée blessée pour plusieurs semaines ou mois de plus. Là je ne pouvais me permettre de risquer.
Allez-y, inscrivez-vous à des grands défis et trouvez vos solutions. Pour ma part, 2020 sera une belle année. C’est déjà tout prévu! Yes!!
Allez, je vous aime!
Copiez ce lien si vous voulez un peu de l’expérience incroyable de ce marathon et de l’histoire du lieu: https://www.facebook.com/berlinmarathon/videos/729112750886863/