Dimanche dernier, je courais mon 5e marathon en 5 semaines. À la ligne d’arrivée, j’étais tellement fière, je me disais; voilà mon prochain article de blogue sera sur cette fierté et sur la force que ça me donne. Il y a eu Albany le 8 octobre, MEC à Chambly le 15 octobre, le P’Tit Train du Nord le 22 octobre, Magog et ses côtes le 29 octobre et maintenant, 5 novembre, New York! Wow, quel bel automne je me suis payée! Et New York qui est le plus vite des cinq! 3:51:02. Si contente! Sérieux là, j’ai bien le droit de parler un peu de ça? J’étais fière comme un enfant qui revient à la maison après son premier bon examen. Regarde, maman, regarde!

Lionel m’attendait à la sortie des coureurs. Nous avons été dans les parages un bon bout à voir les gens arriver. Une heure trente après mon arrivée, il y avait encore beaucoup de gens qui terminaient leur marathon. Puis nous avons pris le chemin de l’hôtel. Dès la porte de la chambre refermée, toute trempée, avant même d’aller à la douche chaude, j’ai ouvert l’ordinateur pour voir mon résultat officiel. J’aime bien regarder ça, vous savez. Nous, les passionnés, on analyse notre course de long en large. Est-ce que je suis parti trop vite? Trop lentement? Est-ce que j’ai trop mangé ou pas assez? Etc. Nos conjoints savent que ça n’a plus de fin. Je regardais mes résultats, j’analysais, je m’amusais un peu puis, tout à coup, j’ai vu ceci: Ma position, 10528e sur 50 643. Wow! Et là, à ce moment précis, le blog a changé. 

Le voici, le bon.

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Il y avait avant.

Il y a voilà vingt ans, trente ans.

C’était au temps des performances. Si tu n’étais pas vite, on te disait d’aller t’asseoir devant la télévision et de fumer des cigarettes.

Il y a maintenant.

2017

Voyez-vous, tout a changé depuis. Ces changements peuvent être durs à comprendre pour certains. Ce qui se passe actuellement est pour le mieux. De mon côté j’espère y contribuer grandement. Je veux dire, je veux par tous les moyens possibles et inimaginables, faire bouger les gens. Les faire courir, les faire avancer. Faire pomper leurs coeurs, les faire transpirer, devenir rouge. Le souffle court à leur début, puis le sourire béat après la sortie de course. Je les aime encore plus quand ils sont dégoulinants de sueur. Voir la fierté qu’ils ont dans leurs yeux, c’est extra.

Déguisés, ronds, très ronds, pas vite, en tutu, dans la bouette, ou vite, très vite, super mince qui courent comme on vole. Je m’en contrefous. Qu’ils bougent et qu’ils continuent. Quels que soient leurs objectifs, c’est ça que je veux. Et je les admire tous.

J’ai ma montée de lait contre ceux qui pensent et disent que faire un marathon lentement ça ne fait pas des gens des marathoniens. J’ai le goût de vous botter le derrière à vous qui avez ce genre de réflexion.

Dimanche, j’ai couru le marathon de New York. J’ai vu des gens arriver après 5h30 de course. J’ai vu toute leur fierté. Nous étions 50 643 coureurs. J’ai fait 3h51. Un temps réputé lent quand on lit la littérature de la gang de voilà trente ans. Ils étaient 40 000 plus lents que moi. Et voilà, ils étaient là. Voilà trente ans, ils auraient fumé leur cigarette en se disant que ce n’était pas pour eux cette folie de courir. Que c’était pour les autres, pour les «athlètes»!

Ils auraient fait comme ma mère. Dans les années 70, ils n’auraient pas couru. Tout le monde faisait comme ma mère. Une dame de 48 ans qui fumait deux paquets de cigarettes par jour malgré ses deux arrêts cardiaques. Elle buvait du Coke pour se désaltérer et du rhum and Coke lors des soirées de fêtes. De l’eau? Seulement si nous n’avions pas eu le temps de passer au dépanneur acheter du Coke. Elle mangeait peu de fruits et légumes et le seul exercice qu’elle pratiquait était de se rendre à sa voiture dans le stationnement de la cour arrière. Voilà, avant, ce qu’était la vie de la majorité. Les coureurs couraient. Les autres fumaient. Ça faisait bien l’affaire des grands cigarettiers.

Cette dame, ma mère, dont le coeur s’est définitivement arrêté en décembre 1975. Elle avait 48 ans. Et moi qui cours partout avec plaisir à 52 ans. Je ne pourrai pas la faire revivre. Je le sais bien. Quand j’avais dix ans, j’ai fait un pacte avec Dieu. Un mois après son décès j’ai dit à Dieu, si tu me permets de la voir juste une journée je vais croire en toi pour toujours. Après quelques minutes, voyant que ça ne marchait pas, j’ai réduit mes demandes. Tu sais Dieu, juste une heure ou deux et ce serait ok. SVP. SVP. svp.

Ça n’a pas marché.

Maintenant, je crois en mon pouvoir intérieur. Et en celui qui est en chacun de nous. Dimanche, j’ai vu ce pouvoir, cette force. Nous étions 50 643 à franchir ces 42,2 km mythiques. Le pouvoir était en chacun de nous. Celui que l’on se donne, que l’on se construit par la force de notre volonté. Celui qui nous permet de continuer, d’aller plus loin, de faire face.

Parmi ces marathoniens, il y en a qui ont combattu un cancer. Qui, récemment, ont vécu un deuil. Qui ont perdu un emploi, qui vivent du grand stress, de la grande détresse, qui n’avaient pas eu la force de faire du sport pendant des décennies ou le courage de le faire dans la rue ou au gym. Vous savez, on a tous nos combats. Soyons fiers les uns des autres. Lorsque quelqu’un réussit, ayons la générosité de leur offrir notre fierté. Une belle fierté, celle qui va les aider à continuer.

Maintenant, en 2017, on peut faire ce que l’on veut. La société a évolué. La course à pied s’est démocratisée. Il est possible d’être un coureur de type «tortue», de continuer, de s’accrocher et d’y prendre plaisir. Et toujours, oui toujours, tous les coureurs méritent le respect et l’admiration des autres. Jamais ils ne méritent la désapprobation de qui que ce soit.

À New York, ils avaient commandé plus de 50 000 médailles. Elles étaient toutes magnifiques! Les gens qui les recevaient étaient admirables.

Tous.

Allez, je vous aime!