Je réalise que la course est maintenant pour moi un moment de tendresse. Ça fait un bout de temps que je me demande où j’en suis dans ma relation avec elle et Eureka! Je viens de trouver.

C’est un moment de tendresse. Rien de plus. Mais cette émotion, cette grande tendresse, je ne me la permets jamais dans cette vie où l’agenda, la liste de tâches qui n’en finit plus, les attentes de tous envers moi et celles de moi envers moi sont énormes. Ça en fait beaucoup. OUF! Je veux dire, en aucun moment je ne suis réellement «hors ligne». Avec la course, je suis dans la tendresse.

Celle envers moi.

Celle envers les autres.

Celle envers les saisons.

Envers la lumière différente à chaque matin

Envers mon corps: Le fort, le résilient, l’endurant, le p’tit tabarouette qui me fait des peurs parfois.

Envers les gens avec qui j’ai l’honneur de courir.

Nous papotons tout bonnement sans agenda. Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez laissé le temps à l’autre de vous raconter dans le menu détail ses vacances et que, pas une seconde, ça ne vous a tenté de lui couper la parole, de lui dire de faire ça vite un peu, de mettre moins des détails parce que, bien il y a tant à faire.

Nous sommes tous pareils, incluant moi évidemment. Nous sommes en mode «survie» 24 heures sur 24. C’est comme ça. Comment en sommes-nous arrivés là? Pas de temps. Nous avons tout, mais si peu de temps. Pas une minute. Rien, pfff parti! Pas de temps pour prendre le temps.

Et voilà que je trouve que ce que j’aime le plus de la course, ce n’est pas de courir. Non, ce que j’aime le mieux c’est la rencontre, d’avoir du temps pour cela.

La rencontre.

Prendre le temps de se permettre de «rencontrer» l’autre. Celui que l’on connaît déjà ou celui que l’on a qu’entrevu à plusieurs reprises, mais dont on ne sait rien. Puis tout à coup, cette personne te raconte comment étaient ses vacances. Le lit croche du petit hôtel à 250 mètres de la plage. Les petits détails qu’on ne partage jamais parce que nous sommes toujours en train de maximiser notre temps. Parler sans avoir à se presser et surtout parler parce que l’on sait que l’autre est là. Pas sur son cell, pas sur son iPad. Non, là. Juste là. Ça devait être comme ça sur les galeries voilà 70 ans. Papoter. Tout doucement. Sans agenda, sans but d’autre que de partager.

Puis rencontrer l’endroit. Celui où je me trouve maintenant, à cette seconde. Le voir. L’admirer. Le regarder. Doucement, sans empressement. Et se rencontrer soi-même. Cette personne un jour énergisée, le lendemain épuisée ou préoccupée par les aléas de la vie. Cette personne qui pense toujours trop. La laisser respirer à travers les pas. À travers le rythme régulier du contact des semelles sur le sol. La laisser reprendre son souffle. Oui, tout à fait. Reprendre son souffle en courant. Cela peu sembler étrange, mais en fait, il n’y a pas plus efficace. Se laisser aller vers l’avant. Tout doucement. Avec tendresse.

Prendre le temps de rencontrer la beauté environnante. Je sais, je sais, vous ne comprenez rien. De la beauté Josée? Ça va pas? C’est du béton partout, de l’asphalte, des panneaux de vitesse, des pylônes électriques et des centres d’achat. Non, mais lâche la drogue un peu!

Non justement, je persiste. Il y a les fleurs, les jolies maisons où des gens vivent et s’aiment, de belles voitures que les gens ont acquises en travaillant fort, les fleurs dont ils prennent grand soin, le ciel jamais pareil, le vent, la verdure et l’horizon qui me permet de voir loin. Loin dehors, loin dedans. Et calmement. Voir loin sans anxiété. Juste voir, recevoir en fait. Bien plus que voir. Et prendre et s’approprier la force du moment et du paysage.

Vous comprenez?

Si vous ne comprenez pas, c’est que vous n’avez pas le trois minutes qu’il faut pour ça. Peut-être n’avez-vous que des secondes. On fait bien peu avec des secondes. Demandez à un arbre, il vous expliquera.