Je peux courir. Et à chaque fois que je pourrai, je me souviendrai.

Le samedi suivant mon marathon d’Ottawa, je reçois un appel de Julie. Il est 22h36 le 30 mai. À cette heure, la petite dame que je suis est depuis longtemps «déploguée» de la réalité et complètement heureuse dans les bras de Morphée!

À mon réveil dimanche matin à 5h, par habitude, je jette un oeil à mon téléphone cellulaire. Ah, un appel manqué. À 22h36. Étrange. Ça doit faire dix ans que personne ne m’a téléphoné à cette heure-là. Je veux vérifier le numéro et par erreur je pèse dessus et me retrouve avec quelqu’un qui me répond. Une personne bien éveillée est au bout du fil, je vous rappelle là qu’il est 5h10 du matin un dimanche matin. Il est visible au ton du «Allo» que cette personne n’a pas bien dormi.

1-Alice avec Julie Deslauriers du Quartier 50+
2-Alice lors de notre conférence au Quartier 50+. Elle démontre les exercices que son entraineurs de musculation, Pierre-Marie Toussaint lui fait exécuter. Elle est pro, ça se voit!

Je me confonds en excuse. Puis Julie, Julie Deslauriers la coordonnatrice du Quartier 50+ de Saint-Jérôme, me reconnaît et me dit «Josée, Alice est à l’hôpital. Elle a eu un accident de voiture hier après-midi lors de son arrivée à St-Jérôme».

Si vous ne connaissez pas Alice, vous avez un devoir moral de regarder ces vidéos. Une dame de 81 ans qui détient une panoplie de record du monde à la course dans les distances de 100 mètres à 800 mètres. C’est une coureuse accomplie dans tous les sens du terme. Elle est déjà venue à la Maison de la Course courir avec ses admirateurs un 5 km en 28 minutes. Elle a couru des heures pour le tournage de l’émission Une pilule, une petite granule à Télé-Québec.

Vidéo Alice à la Maison de la Course: Une pilule, une petite granule: Sport et vieillissement 

Donc de retour avec moi à 5h10 du matin un dimanche matin:

Le coeur m’arrête. La tête aussi. Mais voyons ce n’est pas possible. Elle est comment Alice? Ça va? J’ai tellement peur de la suite. J’ai le goût de dire «Ne dit rien» parce que ça pourrait tout effacer si elle ne répondait pas, non? Je veux dire, nommer des blessures graves pourrait les cristalliser.

Julie: Elle va bien. L’hôpital a voulu la garder. Elle est ok. Mais elle est quand même sérieusement amochée. Elle venait à St-Jérôme pour rencontrer Monsieur le Maire, des journalistes, ses admirateurs du Quartier 50+ et plusieurs autres personnes.  Ce matin, il était prévu qu’elle fasse une sortie de course avec les nouveaux coureurs du Centre 50 + qui se sont mis à la course après votre conférence à Alice et toi l’automne dernier. Tu sais Josée, ils ont tellement hâte de courir avec Alice et de lui montrer ce qu’elle a fait pour eux, comment elle les as inspirés à ne plus croire qu’ils sont trop vieux. Elle était dans un taxi quand le violent impact a eu lieu.

1-Déjà le sourire. Prête à quitter l’hôpital.
2-Le taxi à la fourrière. Il est perte totale.

Et moi qui me fais la réflexion: Ah merde! Elle qui doit prendre l’avion cet été pour se rendre à Lyon aux Championnats du monde, et toutes les autres compétitions qu’elle a à son agenda en 2015. Ça ne se peut pas! Elle y tient tant. C’est si important pour elle!

Dans la matinée, nous avons réussi à localiser Alice, Lionel et moi. Heureusement, son entraîneur d’athlétisme Dorys Langlois était avec elle à l’hôpital depuis le début de la matinée. J’avais un rendez-vous au Demi-Marathon de Laval où Maison de la Course était impliquée, je ne pouvais pas me libérer avant l’après-midi. Nous avons été la chercher à l’hôpital quand elle a eu son congé vers 14h. Diagnostic: Une clavicule de fracturée, une entorse à la cheville, l’arcade sourcilière largement ouverte, il a fallu plusieurs points de suture, et une commotion cérébrale. Rien que ça!

Nous arrivons dans le corridor et de loin nous voyons une petite jeune debout toute guillerette. Ma tête me dit c’est Alice. Mon coeur bondit. Sérieux, elle est déjà debout là à tournicoter autour du lit et à se faire des amis dans tout le département! Avec sa robe d’hôpital «cheapette» qui lui donne une allure encore plus frêle, elle a l’air d’une boule d’énergie. Alice: frêle et pleine d’énergie, même à l’hôpital le lendemain d’un accident de voiture!

C’est bien notre Alice ça!

1-Lionel: «Alice, ils demandent ton numéro d’assurance sociale?»
Alice: «Ah oui? Attends j’ai ça ici!»
2-Alice. Nous n’avons jamais retrouvé ses lunettes.
3-Lionel à l’hôpital avec les documents du médecin.

Le département en entier est sous le charme! Fallait voir ça, je vous jure!

Le médecin vient nous voir et nous donne toutes les informations sur son état de santé actuel, sur les prescriptions et suivis à faire, sur les précautions, ainsi que tous les documents de la SAAQ et on peut voir dans son regard, à ce p’tit jeune de près de 40 ans qu’il n’a jamais vu ça, une patiente comme ça. Tout ce qu’elle veut savoir c’est «Quand est-ce docteur que je vais pouvoir de nouveau courir?» Et lui, ça lui coupe un peu le sifflet. Je veux dire il est clairement sous le charme lui aussi!

Depuis elle se soigne. Lionel l’a aidé à démarrer son dossier de réclamation de la SAAQ. Elle est bien entourée avec ses amis et ses coachs.

Quelques jours plus tard, elle est retournée à l’hôpital près de chez elle, car elle ne se sentait pas trop bien. Oups! Après des tests approfondis, voilà qu’ils découvrent qu’elle a subie des blessures supplémentaires lors de l’accident: une côte fracturée, un épanchement sanguin dans les poumons,  un pneumothorax et, finalement, un os fracturé dans la cheville.

Voilà. Son rêve est à la poubelle: Alice n’ira pas à Lyon cette année. Elle se doit d’être sage. Elle ne pourra pas courir avant au moins six semaines. Et le retour à l’entraînement devra se faire tout doucement.

Elle a pris la décision d’annuler Lyon et de se concentrer sur sa guérison. Elle est focus, notre Alice. Pour elle, que ce soit faire un record du monde au 800 mètres ou bien guérir dans un délai rapide afin de retrouver sa forme pour reprendre l’entraînement, c’est du pareil au même. C’est un objectif et Alice ne quitte jamais un objectif des yeux! C’est une tenace!

Une chose que je sais. C’est que son corps est habitué de se réparer. Il sait comment faire. Alice court depuis qu’elle a 71 ans. Elle s’entraîne six fois par semaine. S’entraîner à son niveau avec le sérieux qu’elle y met, bien un corps n’a pas le choix de devenir un spécialiste de la récupération et de la reconstruction cellulaire. Voilà ma confiance. Voilà mon espoir.

Et moi, bien et moi. Je peux courir. Et vous aussi.

Dernièrement, j’étais fatiguée, une fatigue globale. Pas vraiment physique, mais un poids. Je ne sais pas, ça arrive parfois pour tout le monde. Après le marathon d’Ottawa qui avait été un si grand plaisir, je m’étais inscrite à celui de Lake Placid. J’avais besoin d’un repos de travail, pas de réseaux sociaux, pas de PR, pas de rien. Je me suis dit, et si j’allais faire un marathon seule? Je veux dire sans en parler, sans que personne ne suive mes «performances». Comme dans le bon vieux temps. Incognito. Même ma gang à la Maison de la Course ne le savait pas. Personne!

1-Avant le départ. Comme je suis privilégiée de pouvoir vivre mes rêves!
2-Les derniers mètres du Marathon de Lake Placid.

Sur la ligne de départ. Prête et calme je pensais à Alice. À ces superbes jambes toutes ciselées par la course. Si énergiques. J’ai pensé à Alice pendant ce marathon. À sa légèreté quand elle court. Et j’ai voulu courir comme elle, tout léger. À ses bras frêles et forts qui donnent la mesure avec entrain. Et j’ai fait pareil et ça m’a fait monter toutes les côtes comme s’il n’y avait pas de côte.

Les scientifiques disent que l’énergie ne se transmet pas d’une personne à l’autre. Moi, je dis le contraire. Alice, elle a cette capacité de transmettre son énergie à des kilomètres à la ronde. Merci ma belle! Tu es pour moi toute une inspiration! Et pour une tonne de gens au Québec. Prend soin de toi et reviens-nous encore plus rapide qu’avant!

Quand j’étais petite je me disais, «Moi quand je serai vieille je serai avocate» et maintenant je me dis: «Moi quand je serai vieille je veux être Alice!»

blogue-accident-alice-1

1-Le 21 septembre, Alice chez elle. Pause numéro un dans une avant-midi de remplissage de paperasse de son dossier SAAQ. Aidé de Lionel.
2-Pause numéro deux chez Patrice le Pâtissier rue Notre-Dame à Montréal. Il parait que le chocolat ça aide la guérison!